• Elle se relève immédiatement, regarde rapidement autour d'elle ; en tremblant elle sort son téléphone portable de son sac et compose le numéro de la police. Le flic, à l'autre bout du fil, est étrangement calme. Cela la met mal à l'aise et la jette dans la confusion ; elle regarde le sang sur sa main, croyant voir celle d'un autre, et ne se reconnaît pas. La voix lui balance des questions précises, mais elle s'embrouille. On lui demande si elle se sent bien.
         - Ça va, je n'ai pas l'habitude, c'est tout, et... faites vite, j'ai la trouille. Raccrochage.

    Elle voit des taches de sang un peu partout. La femme a dû se traîner. Malgré la pénombre elle aperçoit, dans une tache un peu plus large, une trace de pneu, quand elle entend un râle sourd, elle n'est pas morte ; elle s'approche d'elle, la jeune femme la regarde et l'attrape par la bretelle de sa robe, elle se penche.
         - Brito...
         - Comment, qu'est-ce que vous avez dit ?
         - Brito, et la main la lâche, la jeune femme vient de mourir.

    Elle se recule, atterrée ; elle ne peut pas le croire, ce n'est pas possible. Au loin, elle entend les sirènes des voitures de police. Elle jette un regard circulaire, cherchant un moyen de s'enfuir, mais se ravise bien vite. Les flics ont reçu l'appel depuis son portable ; ils la retrouveront facilement. Elle panique. Que vient faire Brito dans cette histoire ? Ce ne peut être qu'un autre, assurément. Elle n'y croit pas. Brito est un prénom rare, mais il y en a d'autres. Elle suffoque. Et la trace de pneu ? Brito a... une moto ! Non, ce n'est pas possible. A ce moment précis arrive la Police, elle a juste le temps d'apercevoir, à la lueur des phares, sortant du sac à main, une photo sur laquelle un palmier cachait à moitié un homme, presque retourné. Elle ne sait pas si c'est Brito, elle ne sait pas si elle doit dire à la police ce que la jeune femme vient de lui dire avant de mourir. La voiture s'arrête à sa hauteur, deux agents descendent ; le plus grand s'approche immédiatement d'elle.
         - Inspecteur Harry, enchanté mademoiselle.
    Elle le regarde, ahurie ; il éclate de rire.
         - Non, pardonnez-moi, une mauvaise blague pour détendre l'atmosphère, il lui tend la main, Abel Pastor. Elle sourit vaguement.
         - Eden Clérie, ravie de vous voir ici. Il lui rend son sourire et sa main. Elle baisse la tête. La photo aimante son regard.

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  • C'est la nuit, il est deux heures. De la pop, elle se sent au top et se déhanche sur la piste. Elle rêve, un peu shootée... La musique la transporte. Elle se sent envahie par un désir fou d'être sur le bord de la plage avec lui. Elle a envie de l'appeler, mais elle n'ose pas ; depuis qu'ils sont séparés, elle n'a pas vraiment réussi à le quitter. Elle commande un autre verre, une caïpirinha bien dosée.

    Frissons sur la peau... le souvenir soudain de cette plage d'Ipanema, où elle l'a rencontré un mercredi soir. Il est assis, seul au coin d'une table, devant une feijoada. Il porte un short et ce beau métis musclé, dont les cheveux longs ondulent jusqu'aux épaules, c'est lui, pas le courage de l'affronter ; elle essaie de chasser cette image de son esprit, de ne pas se laisser aller à la nostalgie et de ne pas se laisser tenter à l'aborder.

    Elle retourne danser, embarquée par la salsa endiablée, qui a succédé aux mélodies métalliques du rock anglais. Elle ferme les yeux et se laisse transporter dans les souvenirs de ces nuits à Salvador de Bahia... L'atmosphère est torride dans la chambre encore chauffée à blanc, malgré que le soleil soit couché depuis longtemps. Elle le voit encore, sombrer à l'horizon, achevant sa descente rapide, comme une flèche rougie au feu du jour. Nue derrière les claustras tirées, à l'abri des regards, elle admire la plage où peu à peu s'illuminent, de loin en loin, les terrasses des bars. Elle entend une mélopée sensuelle, dominée par les accents aigus d'un cuica...

    Elle ouvre les yeux, il n'est plus là. Peut-être a-t-elle rêvé ? Ce n'était pas lui ? Elle ne sait plus, elle a trop bu et se sent étourdie par la chaleur et le bruit assourdissant de la musique. Elle récupère ses affaires au vestiaire et rentre chez elle à pieds. Elle a hâte de retrouver sa grande maison vide, ses quelques livres sur des étagères basses de bric et de broc, sa couette légère, dormir, oublier. L'oublier. Chez elle, seule une boîte à café lui sert de souvenir. De lui, elle a tout balancé. Les photos... brûlées. Les lettres... brûlées, mais son cœur brûlé, elle n'a pu l'arracher, ni son ventre qui l'appelle, qui le voudrait, là, maintenant, pour l'emplir de son être. Tu me manques Brito, dit-elle à voix haute, en marchant sur le quai...

    Il n'y a plus personne à cette heure tardive de la nuit et l'éclairage ne fonctionne pas ; elle s'enfonce peu à peu dans la nuit noire ; soudain, elle entend un cri étouffé, puis un bruit sourd. Elle a envie de rebrousser chemin, mais une force inconnue la pousse à suivre son chemin ; elle arrive à hauteur d'un corps allongé sur le quai, de tout son long. Une lueur au loin lui permet de voir que c'est une femme, face contre terre. Elle se penche, la secoue, sent un liquide chaud sur sa main ; elle allume son briquet pour y voir mieux. Du sang.




     


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  • P.O.E. : une idée surgie de l'usage du blog, issue de la rencontre entre June D. et Impolitis. Tâtonnement écrit à quatre mains, il se développe peu à peu, au gré de l'échange de courriels, en un roman noir qui sera livré ici, sur P.O.E., au fil des épisodes. Il ne vous est pas interdit de réagir, tout au contraire...

    P.O.E. , signifie Polar Origin Ensemble, un ensemble à deux têtes, mais à un objectif. POE se veut un hommage au grand poète américain de l'extraordinaire que fut Edgar Allan POE. Le sous-titre du blog : A June & Gibet's Story, fait quant à lui, tout simplement référence aux deux auteurs : June D. et Impolitis, dont le prénom a pour initiales JB, transformées en Gibet pour cette noire circonstance.

    Les auteurs de P.O.E. ont l'intention de bien se marrer.

    Nous essaierons d'éditer les épisodes les lundis et vendredis.


    Bonne lecture,

    June et Gibet.