• C'est la nuit, il est deux heures. De la pop, elle se sent au top et se déhanche sur la piste. Elle rêve, un peu shootée... La musique la transporte. Elle se sent envahie par un désir fou d'être sur le bord de la plage avec lui. Elle a envie de l'appeler, mais elle n'ose pas ; depuis qu'ils sont séparés, elle n'a pas vraiment réussi à le quitter. Elle commande un autre verre, une caïpirinha bien dosée.

    Frissons sur la peau... le souvenir soudain de cette plage d'Ipanema, où elle l'a rencontré un mercredi soir. Il est assis, seul au coin d'une table, devant une feijoada. Il porte un short et ce beau métis musclé, dont les cheveux longs ondulent jusqu'aux épaules, c'est lui, pas le courage de l'affronter ; elle essaie de chasser cette image de son esprit, de ne pas se laisser aller à la nostalgie et de ne pas se laisser tenter à l'aborder.

    Elle retourne danser, embarquée par la salsa endiablée, qui a succédé aux mélodies métalliques du rock anglais. Elle ferme les yeux et se laisse transporter dans les souvenirs de ces nuits à Salvador de Bahia... L'atmosphère est torride dans la chambre encore chauffée à blanc, malgré que le soleil soit couché depuis longtemps. Elle le voit encore, sombrer à l'horizon, achevant sa descente rapide, comme une flèche rougie au feu du jour. Nue derrière les claustras tirées, à l'abri des regards, elle admire la plage où peu à peu s'illuminent, de loin en loin, les terrasses des bars. Elle entend une mélopée sensuelle, dominée par les accents aigus d'un cuica...

    Elle ouvre les yeux, il n'est plus là. Peut-être a-t-elle rêvé ? Ce n'était pas lui ? Elle ne sait plus, elle a trop bu et se sent étourdie par la chaleur et le bruit assourdissant de la musique. Elle récupère ses affaires au vestiaire et rentre chez elle à pieds. Elle a hâte de retrouver sa grande maison vide, ses quelques livres sur des étagères basses de bric et de broc, sa couette légère, dormir, oublier. L'oublier. Chez elle, seule une boîte à café lui sert de souvenir. De lui, elle a tout balancé. Les photos... brûlées. Les lettres... brûlées, mais son cœur brûlé, elle n'a pu l'arracher, ni son ventre qui l'appelle, qui le voudrait, là, maintenant, pour l'emplir de son être. Tu me manques Brito, dit-elle à voix haute, en marchant sur le quai...

    Il n'y a plus personne à cette heure tardive de la nuit et l'éclairage ne fonctionne pas ; elle s'enfonce peu à peu dans la nuit noire ; soudain, elle entend un cri étouffé, puis un bruit sourd. Elle a envie de rebrousser chemin, mais une force inconnue la pousse à suivre son chemin ; elle arrive à hauteur d'un corps allongé sur le quai, de tout son long. Une lueur au loin lui permet de voir que c'est une femme, face contre terre. Elle se penche, la secoue, sent un liquide chaud sur sa main ; elle allume son briquet pour y voir mieux. Du sang.




     


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